Le conte du Palin
S'agit-il de superstition, d'une simple croyance ou d'une légende ? A vous de décider !...
Il était une fois un des animaux emportés par le capitaine Noé, une espèce de chat à longues oreilles, à la courte queue et aux os moins carrés.
Le voyage devenait long. Au bout de 40 jours de navigation, il n'y avait toujours rien sur le GPS ni sur l'écran radar. Pas le moindre contact AIS ou GMDSS non plus.
Noé n'avait pas embarqué la moindre feuille de trèfle et il n'y avait à bord plus que la vigne de Gilles à se mettre sous la dent.
Notre ami à la forte moustache chercha alors seul de quoi remplir la panse. Il bondissait de ses cuisses généreuses de la quille à la pomme de mât, cherchant une pitance digne de ce nom.
A force de chercher, ce cousin du lièvre a finalement trouvé entre le ribord et le galbord une herbe tendre, bien tassée au fond des coutures. Certes, ce n'était pas sa reine des prés préférée, mais la faim justifiant les moyens, il se mit à brouter avec l'avidité de tant de jours de jeûne. Le chanvre était de bonne qualité et à défaut d'être fumé, il fut boulotté !
Lorsque l'eau se mit à jaillir d'entre les bordés, notre héros s'en fut dans une autre partie du navire pour retrouver une herbe plus sèche.
Parcourant ainsi toute la cale de la râblure au vibord, il s'endormit, la panse apaisée et le coeur content.
Il fut réveillé par de grands cris, Noé constatant que son arche faisait eau et la girafe ayant aperçu du haut de son long cou la colombe qui revenait avec son brin d'olivier. Le Mont Ararat n'était pas loin et le débarquement allait pouvoir commencer, femmes et enfants d'abord, suivez votre capitaine...
Ce petit conte mérite quelques commentaires...
Sir Winston Churchill n'aimait pas les ingénieurs et rappelait à qui voulait l'entendre que l'arche de Noé avait été réalisée par un amateur, alors que le Titanic avait été conçu par des ingénieurs.
Mais nous sommes ici avec la marine de fer, de vapeur et d'électricité. On peut conserver par le froid et les provisions peuvent ainsi être préservées, ce qui n'était pas l'apanage de l'arche de Noé.
Si nous remontons quelques siècles en arrière, il est vrai que les voyages pouvaient durer jusqu'à trois, voir quatre mois entre l'Australie et l'Europe.
On ne savait pas mieux conserver la nourriture que l'eau potable. On embarquait ainsi sur les navires des tonneaux contenant du porc et du boeuf salés, de même que du lard, des biscuits et des pommes de terre.
Les marins de l'époque s'avitaillaient en vivres frais sous forme de cochons, de volailles et... de l'ami de notre conte.
Les rats étaient souvent déjà à bord, tout comme les cafards que l'on pouvait retrouver en prime dans le brouet du dimanche.
Avez-vous essayé de garder en cage un tel fauve ? Il s'échappe à la première occasion. Alors gare à tout ce qui peut être rongé : cordages, calfat, sacs de grain, tout peut y passer...
La cargaison dont l'arrimage se voyait dévoré se mettait alors à se déplacer librement dans les cales, provoquant des coups de bélier qui pouvaient détruire les bordés, voire les structures mêmes du navire.
Pire encore, le rongeur pouvait s'attaquer aux cordages qui arriment le lest intérieur, sur des navires dont l'angle de chavirement est pratiquement de moitié inférieur à celui de nos yachts.
De même les haubans contenaient de nombreux brêlages et autres bouts en chanvre sisal ainsi que d' autres fibres appétissantes pour les longues dents de la viande fraîche du bord qui avait échappé à l'oeil du maître-coq et chirurgien du bord.
Démâtages, naufrages, chavirages, nous voyons donc que ce cher animal n'est guère apprécié des navigants, même sous forme de ragoût. On va ainsi jusqu'à bannir son nom à bord des navires.
Qui n'a pas entendu l'histoire du thonier vendu par son patron parce qu'un malandrin s'était avisé de pendre un infâme animal par ses longues oreilles en lieu et place du panier d'antan ?
Mentionner l'innommable est presque aussi grave que de siffler à bord, de débaptiser un navire ou de gratter le mât.
Il y avait pire, mais l'égalité des sexes a changé la donne depuis le siècle dernier, bienvenue à bord, Mesdames !
Alors ? Le mythe du Lapin ? Des histoires de Bigoudens ? Des légendes ?
Vous êtes pour la superstition ?
Vous avez probablement raison, mais n'oubliez pas que cela porte malheur que d'être superstitieux !
P-A Reymond
Lepori Marine
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